Convergences et divergences entre la vague péquiste et la vague caquiste

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Source photo: Pixabay et Eliassch

Eric Lanthier

Cet article a été publié initialement sur les pages francophones du Prince Arthur

René Lévesque et François Legault ont des points en commun, mais la vague qui les a portés les a poussés vers deux Québec qui ne se ressemblent pas.

 

En 1976, on rêvait d’un Québec responsable et respecté pour sa langue et sa culture. René Lévesque, sorti des rangs des libéraux, incarnait admirablement le Québécois moyen. Décontracté, fier et prêt à se battre pour l’honneur des siens, il était non seulement le chef du Parti québécois (PQ), il était le Parti québécois. Il inspirait par son leadership et sa personnalité, son audace et sa détermination. Il défendait l’identité du Québec, sa langue et ses artistes. Il voulait convaincre les Québécois qu’ils avaient tout pour se hausser au rang des grands peuples.

La vague caquiste et la vague péquiste

De son côté, François Legault, après avoir quitté le Parti québécois, recrée une vague à peu près similaire dans un Québec différent des années 70. En effet, toutes proportions gardées, la vague péquiste de 1976 s’est soulevée davantage que celle de la Coalition avenir Québec (CAQ). Dans les deux cas, on a voulu sortir de l’alternance entre les deux grands partis qui s’imposaient jusqu’à maintenant. En 1976, on a lancé le signal à l’Union nationale qu’il était temps de passer à autre chose. On ne voulait plus d’un parti passéiste. En 2018, le peuple québécois lance le même message au PQ. Le parti de feu René Lévesque doit se trouver une niche plus attrayante parce que ni sa capacité d’incarner le changement ni son option souverainiste ne trouvent preneur chez une majorité d’électeurs.

Effectivement, l’élection du premier octobre a clairement démontré que l’option souverainiste n’interpelle plus la population comme dans les années 80 et 90. La fibre indépendantiste, avec un résultat de 17 % d’électeurs pour le Parti québécois et de 16 % pour le parti Québec solidaire (QS), perd assurément du galon. Le parti québécois a alors deux options : prouver qu’il est un parti qui amènera un vent de renouveau ou trouver un moyen de fusionner avec Québec solidaire. Sinon, le parti de René Lévesque risque de mourir, comme cela a été le cas pour l’Union nationale.

L’impopularité de l’indépendance

Pour une majorité d’électeurs, le PQ incarne un idéal qui ne s’attache à rien de concret, et pour le parti de Québec solidaire, la souveraineté du Québec est attachée à l’autonomie d’un pays socialiste qui s’assumerait et qui serait indépendant d’un Canada capitaliste et trop dépendant du pétrole. Dans l’imaginaire de beaucoup d’électeurs, l’indépendance du Québec ne colle pas à un avenir possible et réaliste. Un Québec socialiste, la majorité des Québécois n’en veulent pas. De son côté, le PQ n’arrive pas à donner une image claire d’un Québec souverain. Faute de n’avoir pas présenté une constitution provisoire, il ne peut montrer aux Québécois à quoi ressemblerait un Québec indépendant. Qu’est-ce qui caractériserait sa culture, son identité, sa valeur en Amérique du Nord et à l’échelle internationale ? En quoi consisterait sa valeur ajoutée en tant qu’un Québec indépendant ? Sans réponses, un citoyen ne risquera pas de voter pour ce Québec qui n’offre rien de plus que le Québec d’aujourd’hui.

Deux époques différentes

À l’époque de René Lévesque, on voulait voir les Canadiens français prendre leur place, se démarquer et prouver qu’ils sont aussi capables que les Anglais de réussir en affaires ainsi que dans l’industrie de la culture. Aujourd’hui, les Québécois ont compris que François Legault veut rendre le Québec plus efficace et plus avantageux pour eux-mêmes, qu’il veut couper dans le gaspillage pour offrir aux Québécois des services efficaces, à la hauteur de leur investissement.

À l’époque de Lévesque, on capitalisait sur l’identité québécoise pour se démarquer des anglophones et de leur culture. Aujourd’hui, Legault met en valeur l’identité pour protéger la culture québécoise du multiculturalisme. Deux époques, deux réalités.

L’émergence des tiers partis

Outre le nombre de quelques sièges qui diffère entre la victoire du PQ en 1976 et celle de la CAQ d‘aujourd’hui, c’est la composition des tiers partis en Chambre qui fait toute la différence. Au temps de Lévesque, la lutte des tiers partis n’était pas aussi serrée qu’elle ne l’est de nos jours. L’Union nationale ne représentait que 10 % des sièges, tandis que le Parti national populaire et le Crédit social devaient se contenter d’un siège chacun. La lutte entre ces tiers partis était inexistante. Cependant, aujourd’hui, un combat fait rage entre les nouveaux tiers partis. Qui, entre QS et le PQ, survivra à la prochaine élection ? Sera-ce celui qui monte ou celui qui décline? Se poser la question, n’est-ce pas y répondre ?

L‘extinction ou la fusion

À moins d’une fusion entre Québec solidaire et le PQ, rien n’est garanti pour l’avenir de ces deux formations souverainistes. Jean-Martin Aussant semble être le mieux placé pour opérer cette fusion. À titre de chef fondateur d’Option nationale, qui s’est jointe à Québec solidaire, il est le joueur le plus crédible pour parvenir à ce tour de force. Sans cette fusion, un des deux partis risque de disparaître.

Une alternative plausible

Une chose est certaine, c’est que François Legault a, tout comme René Lévesque, compris qu’il fallait démontrer aux Québécois qu’il était une alternative au statu quo. C’est la raison pour laquelle il s’est montré plus audacieux que Jean-François Lisée en matière d’immigration. Qui plus est, il savait qu’il n’arriverait ni à convaincre le peuple ni à livrer la marchandise s’il ne s’entourait pas d’une équipe du tonnerre, ce qu’il a réussi avec brio, au contraire de Mario Dumont, pour qui cet élément clé manquait au sein de l’Action démocratique du Québec.

Notre nouveau premier ministre bénéficie de l’apport de bons joueurs, tels que Christian Dubé, un ancien vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Éric Girard, ex-trésorier de la Banque nationale, Marguerite Blais, ex-ministre libérale, Lionel Charmant, un neuropédiatre, Sonia Lebel, ex-procureure de la Commission Charbonneau et Pierre Fitzgibbon, diplômé de la Harvard Business School. Avec une telle équipe, le chef a toutes les chances d’atteindre un bon nombre de ses objectifs.

Deux types de préoccupations

On se souviendra toujours du Parti québécois de René Lévesque pour sa loi 101, une loi qui a marqué le paysage québécois. Quel sera l’héritage de François Legault ? Un niveau de vie des contribuables plus élevé ? Un plus grand pouvoir d’achat aux familles ?

Ainsi, la vague péquiste et la vague caquiste reflètent deux préoccupations distinctes de deux générations distinctes dans une même société distincte…

 

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