Limiter l’accès à la pornographie chez les jeunes

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Source photo: Freepik

Eric Lanthier

Cet article a été publié initialement sur la page francophone du HuffPost Québec portant le titre: Nous devons limiter l’accès à la pornographie chez les jeunes

 

L’accès à des sites pour adultes est trop facile. Un certain nombre de parents inquiets s’attendent à ce que le gouvernement intervienne.

La députée de Bourassa-Sauvé a déposé récemment une pétition à l’Assemblée nationale, pour que les sites pornographiques soient accessibles uniquement par ceux qui en ont l’âge requis. L’Assemblée nationale a, pour sa part, remis cette demande à la Commission parlementaire sur la santé et les services sociaux.

La préoccupation de ces parents est fondée sur des faits réels, puisque 22 % des personnes mineures qui visionnent des sites érotiques ont moins de 10 ans et que 40 % des garçons entre 12 et 17 ans avouent avoir consommé de la pornographie en ligne. De plus, 37 % des femmes ont commencé à visionner des films XXX entre 15 et 18 ans.

Couper l’offre

Bloquer l’accès aux sites pornographiques sur les appareils électroniques destinés aux jeunes de 17 ans et moins serait la meilleure façon de réduire l’ampleur de ces statistiques. Dans un monde idéal, des appareils seraient donc assignés aux adultes et d’autres, aux mineurs. L’enfant ou l’adolescent en possession d’un appareil électronique serait incapable d’avoir accès à des films classés pour adultes.

La neutralité du Web

La raison principale pourquoi les fournisseurs d’accès Internet refusent de fournir des appareils à usage restreint pour les mineurs est basée sur le principe de neutralité du Web. Ce principe promu par le CRTC repose essentiellement sur le fait que les fournisseurs doivent garantir l’égalité du traitement des flux de données sur la toile. De ce fait, ils ne discriminent pas l’accès à des sites en fonction de leur contenu.

Évidemment, réévaluer la neutralité du Web provoque des réticences. Par exemple, si l’accès à un site variait selon le contenu qu’il propose, on accuserait les fournisseurs d’influencer le choix des consommateurs. C’est pourquoi ils n’osent pas s’aventurer dans ce type de blocage. Ils veulent respecter la liberté des consommateurs d’avoir accès à tous les sites de leur choix sans qu’en amont, aucune influence économique ou idéologique n’ait été exercée. Selon les pétitionnaires, cette neutralité ne devrait pas s’étendre aux mineurs.

YouTube brouille les cartes

Plusieurs films XXX sont disponibles sur YouTube, et il devient difficile d’empêcher les mineurs d’y avoir accès puisque l’âge minimum exigé est de seulement 13 ans pour être en mesure de s’ouvrir un compte. Or, empêcher un jeune d’avoir accès à un compte YouTube est presque impensable, on l’empêcherait de visionner les clips de ses artistes préférés. Par contre, si les fournisseurs d’accès internet bloquaient dans les appareils destinés aux mineurs l’accès à toute plateforme XXX, incluant YouTube, il serait plus difficile pour les jeunes de consommer de la pornographie.

S’inspirer des autres

Suite à des plaintes formulées par des parents, la bibliothèque publique d’Ottawa (BPO) s’est dotée de moyens pour réduire l’accès aux mineurs à des sites pornographiques. Les fournisseurs pourraient donc s’inspirer de cette initiative.

Ce n’est pas sans raison que l’Association cinématographique du Canada a opté pour un système de classement des produits destinés au marché du divertissement à domicile. Ils ont identifié certains contenus qui s’adressaient à un public adulte. Si certains films sont classés pour adultes, ils devraient n’être accessibles qu’à cette clientèle.

Dans un contexte social où la norme est de 18 ans et plus pour avoir accès à des spectacles érotiques ou à des films XXX, il serait tout à fait légitime que le CRTC établisse que la neutralité du Web s’adresse uniquement aux adultes. Si le cinéma, les bars érotiques et certaines bibliothèques publiques s’organisent pour limiter l’accès à la pornographie, pourquoi les FAI n’emboîteraient-ils pas le pas en demandant au gouvernement canadien de légiférer dans ce sens?

Considérant que l’industrie du sexe est une entreprise extrêmement lucrative, nous sommes en droit de nous demander si l’inaction des fournisseurs à cet égard ne relèverait pas d’une question d’argent. En 2001, la pornographie rapportait, à travers le monde, des revenus de l’ordre de 14 milliards de dollars américains. En 2017, ses recettes se sont approchées des 100 milliards de dollars américains. En fait, cela signifie que l’industrie du sexe rapporte 3076 $ par seconde. Il s’agit donc d’un marché excessivement lucratif.

Les effets collatéraux

Pourquoi est-il si important de restreindre aux personnes mineures l’offre pornographique sur la toile? Premièrement, parce que la pornographie forge une mauvaise perception du rôle de la femme. Crooks et Baur expliquent que dans ces films, les femmes doivent être soumises et répondre avec enthousiasme à toutes les formes de stimulation proposées par les hommes.

Deuxièmement, les conséquences qui découlent de la consommation de matériel pornographique sont considérables. Un neurochirurgien, du nom de Donald Hilton, soutient que la pornographie est en train de détruire la faculté de ressentir des émotions. Il est facile d’imaginer les conséquences graves que la perte d’émotions peut entraîner.

Troisièmement, la pornographie augmenterait le niveau de tension au sein des couples. En effet, on apprenait récemment que la consommation de pornographie doublait le taux de divorce.

Quatrièmement, ce type de consommation a des incidences physiques non désirables. Effectivement, des urologues s’entendent pour dire qu’une exposition à des sites XXX peut nuire à l’érection.

Enfin, Rebecca Adams admet qu’il y a un lien entre le visionnement de matériel pornographique et certains problèmes de couple, la dépression ainsi que la chosification des partenaires sexuels. Voilà quelques-unes des constatations évidentes des conséquences néfastes que la consommation de pornographie comporte.

Préserver la beauté de l’acte

Si nous voulons que nos jeunes voient un jour la sexualité comme un moment privilégié où un couple se rencontre dans l’intimité pour que chacun partage son affection dans un respect mutuel, nous devons trouver des moyens pour limiter leur accès à la pornographie. Pour atteindre ce but, nous avons besoin que les fournisseurs d’accès internet veillent à leur mission sociale.

J’ose espérer que la pétition qui a été remise à madame de Santis ne restera pas sans écho auprès de ces entreprises. Je souhaite que l’État leur facilite la tâche, car il s’agit ici d’une mission sociale qui touche les couples et les parents de demain.

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