LAÏCITÉ DE L’ÉTAT : LA CAQ OPTE POUR LA CONFRONTATION

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Cet article a été publié initialement sur les pages francophones du Prince Arthur

Plutôt qu’opter pour la confrontation, la Coalition avenir Québec (CAQ) aurait intérêt à suivre les conseils de Charles Taylor.

 

Charles Taylor n’y allait pas de main morte la semaine dernière.  Pour le co-auteur du rapport Bouchard-Taylor (RBT), le plan de la CAQ en matière de laïcité est intellectuellement malhonnête.

 

La CAQ va trop loin

Selon Charles Taylor, le parti de François Legault ne peut affirmer qu’il s’inspire intégralement du rapport de ces co-auteurs puisque les revendications de ce parti ne vont pas tout à fait dans le même sens.  Puisque le RBT ne suggérait pas d’interdire le port de signes religieux chez le personnel enseignant, monsieur Taylor ne comprend pas pourquoi la CAQ s’acharne à aller si loin.

 

Tandis que la CAQ veut aller plus loin que ledit rapport, le co-auteur croit qu’il est temps de tempérer.  Lors d’une entrevue qu’il a accordé à la société d’État, il a avoué qu’il ne croit plus qu’il soit nécessaire de bannir les symboles religieux chez les juges et les policiers.

 

Loin d’Hérouxville

À ce jour, les tensions à l’égard des communautés culturelles et ethniques ne sont plus les mêmes qu’à l’époque de la commission qui est née de la tension entourant le code d’Hérouxville.  Sans contredit, nous sommes loin des accusations portées contre la municipalité d’Hérouxville pour incitation à la haine.  En 2007, cette municipalité de la Mauricie avait été pointé du doigt pour avoir déposé un code de vie soi-disant anti-islamique.  Ce code de vie a suscité tellement de passion qu’il a donné lieu à la commission Bouchard-Taylor.  Cette commission avait pour mandat de consulter la population et de proposer des recommandations au gouvernement québécois en matière d’accommodements raisonnables.  La CBT avait pour but de calmer les ardeurs des Québécois qui en avait ras-le-bol et d’atténuer le malaise identitaire qui existait à l’époque.

 

Vent de changement

Neuf ans plus tard, lorsqu’on a déposé une tête de porc devant la grande mosquée de Québec, TVA-Nouvelles qualifiait ce geste de « … plaisanterie de bien mauvais goût… ».  En s’offusquant devant un tel manque de respect, on est à même de constater qu’un vent de sympathie tend à s’établir à l’égard des communautés culturelles et ethniques tant à grandir.

 

Dix ans après Bouchard-Taylor, on a remarqué que l’attitude envers les communautés culturelles et ethniques a énormément changé.  C’est lors l’attentat de la grande mosquée de Québec que le constat fut frappant.  Le lendemain de ce monstrueux événement, une marée humaine s’est rassemblée à plus de 250 kilomètres de la capitale nationale en guise de solidarité pour les victimes de cet attentat.  Quelques jours plus tard, une marche de solidarité fut mis en branle pour démontrer un soutien aux proches des victimes.  Ces deux événements démontrent que le Québec n’exprime pas la même intransigeance envers les communauté ethniques et culturelles qu’à l’époque du code d’Hérouxville.

 

Valoriser ou museler

Par ailleurs, les attentats à l’endroit de l’équipe du Charlie Hebdo et l’incident entourant le jeune Jérémie Gabriel ont poussé les artistes à revendiquer la liberté d’expression.  En 2018, les artistes demandent le support de l’État, au Gala Artis 2017, Gino Chouinard réclamait le respect à l’endroit des artistes et en 2016 les humoristes dénoncaient la censure.  De la même manière que les artistes réclament le respect, la liberté d’expression et le support de l’État, de la même façon, les individus devraient jouir du même traitement.  Si on accorde le respect, la liberté et le support, les communautés de foi théiste devraient être en droit de jouir de l’expression de leur foi par des symboles qui les identifient.  Serait-il approprié d’interdire à un artiste québécois de porter un chandail à l’effigie du fleurdelisé s’il passe en entrevue dans un studio d’une station de télé ontarienne?  Il est clair que si tel est le cas, les artistes du Québec se mobiliseraient pour monter aux barricades.  Or, au Québec, ce qu’on veut c’est le respect, la liberté et de l’harmonie.

 

Les Québécois n’aiment pas la chicane, ils préfèrent le consensus, c’est pour cette raison qu’une bonne lecture du climat québécois nous pousse à croire les confrontations autour des symboles religieux n’est plus d’actualité.  Même le ville de Montréal renonce à ouvrir le débat sur les signes religieux.  En fait, ce que les Québécois veulent de meilleurs services publics à moindre coûts.

 

Cas d’interdiction

Considérant que l’ensemble des Québécois sont de plus en plus ouverts à la diversité et que la liberté d’expression ne doit pas être à sens unique, la réaction de Charles Taylor est tout à fait appropriée.  Par contre, là où une distinction s’impose, c’est dans l’univers social.  Lorsque le vêtement nuit de manière évidente à l’identification, à la communication et à la sécurité, il est tout à fait normal de baliser de manière raisonnable le port de tels vêtements.  Ainsi, le port du niqab, de la burqa et du tchador ne sont pas appropriés dans des milieux de travail où l’employée est en interaction avec des individus.  Ici, il ne s’agit pas d’interdiction pour des motifs de conscience ou de croyance.  Il est question d’éléments de base qui constituent de saines interactions entre individus dans un même lieu.

Patrimoine

Là où l’État devrait mettre ses énergies, c’est en valorisant les symboles, les célébrations et les chants reliés à notre patrimoine.  En accordant la liberté d’expression, de croyance et de conscience aux individus et aux communautés, il y a un danger de voir notre culture perdre de sa saveur.  C’est pourquoi la mise en valeur de notre patrimoine place l’État dans une position de neutralité.  Il a intérêt protéger la culture, le patrimoine et l’histoire du Québec sans écraser les Québécois qui ont un vécu différent.  La mise en valeur du patrimoine impose un respect et donne au Québec sa couleur.  Le respect du patrimoine et le respect de la liberté est la combinaison gagnante d’un Québec fier de ses racines, de sa culture, de son histoire et de son sens de l’hospitalité.  Monsieur Legault, je vous invite à écouter les conseils de monsieur Taylor, ils vont nous éviter d’inutiles confrontations.  Protégeons notre langue, notre culture et notre patrimoine, c’est plus rassembleur.

 

 

 

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