Le mercredi 2 septembre 2020
Cette lettre est personnelle et n’implique aucune organisation dans laquelle je suis impliqué. Elle a été publiée initialement sur les pages de Québec nouvelles sous le titre: « Il FAUT faire confiance au jugement de la population » : Lettre ouverte à Denise Bombardier
J’aime ce que vous écrivez, j’ai publié plusieurs de vos citations, je vous ai même citée dans mon livre comme une source de motivation, mais là, je dois avouer que vos propos tenus sur la question des réseaux sociaux m’ont fait réagir.
Dans votre article intitulé, Maudits soient les réseaux sociaux!, ce n’est pas votre opinion qui m’a indisposé, ce sont vos arguments. Vous dénoncez ceux et celles qui se croient supérieurs à d’autres qui ont fait des études et qui se prétendent experts. Je comprends que cette nouvelle réalité sociale que nous vivons présentement peut s’avérer déstabilisante, mais elle n’est que le reflet d’un symptôme, d’un mal de l’âme…
Une réaction arbitraire
Vous reprochiez aux personnes sans rigueur académique de se prononcer sur des enjeux qui ne relèvent pas de leurs compétences, mais lorsqu’un de vos opposants idéologiques détient les diplômes requis pour le faire, vous l’apostrophez comme si vous aviez les compétences scientifiques pour l’étiqueter de perturbé. Dans ma compréhension des choses, vous réagissez de la même manière que ceux à qui vous reprochez d’agir de la sorte. La seule différence, c’est que vous n’utilisez pas les réseaux sociaux pour le faire.
Faire confiance au jugement de la population
Ce que je propose, c’est qu’on invite ce scientifique perturbé, celui qui cautionne les thèses les plus échevelées sur les microbes, la contagion et les vaccins, et qu’il soit confronté par des scientifiques qui sont ferrés en virologie. La population sera en mesure de comprendre pourquoi vous le disqualifiez. Laissons l’auditoire en juger.
Interactivité et réponses
Par ailleurs, cet été, je vous ai envoyé une lettre dans laquelle je vous demandais de préciser votre conception face aux chrétiens évangéliques. Vous affirmiez, le 5 juin dernier, ceci :
« Quant aux églises évangéliques, elles ont trouvé en Donald Trump le porte-voix de tous leurs combats d’arrière-garde, nourris de leurs préjugés raciaux, religieux, sexuels et sociaux…
Jamais dans l’histoire américaine moderne un président n’a trahi ainsi son pays dans une tentative de lui faire perdre son âme. »
Or, un bon nombre d’évangéliques n’aiment pas Donald Trump, ni aux États-Unis, ni au Québec. Votre texte ne comporte aucune nuance. Vous ne parlez pas d’un grand nombre d’églises évangéliques, vous parlez des églises évangéliques, laissant sous-entendre qu’elles sont toutes du même avis. Cependant, sur le terrain, le constat est tout autre. Est-ce une méconnaissance de la réalité évangélique, ou une omission idéologique ou quoi d’autre? Je tiens à le savoir, car sans réponse, il m’est difficile de savoir ce que vous en pensez, et mon estime pour vous en souffre. En revanche, l’avantage des réseaux sociaux, c’est l’interactivité. Lorsqu’on questionne, on reçoit des réponses.
Le dogme de la pensée unique
La raison pour laquelle je crois que les médias sociaux ont leur place dans la communication d’idées, c’est parce que les porte-parole des médias traditionnels sont incapables de confronter le dogme de la pensée unique. Dans cet univers, tout le monde doit penser de la même façon, adhérer, à quelques nuances près, à la même idéologie. Les médias sociaux, quant à eux, offrent un lieu où la population peut s’exprimer librement, comme une épouse qui sent le besoin de parler à une amie parce que son mari n’arrive pas à la comprendre. Elle se dit en elle-même : « Au moins, mon amie va m’accueillir, me comprendre et cerner les émotions derrière mes mots. » En vérité, les gens se tournent vers les médias sociaux parce qu’ils sentent que leurs besoins ne sont pas rencontrés par les médias traditionnels.
L’analyse des spécialistes
C’est le déplorable constat qu’ont fait deux personnes influentes et « suffisamment ferrées » pour s’exprimer sur le sujet, Noam Chomsky, dont la réputation comme analyste des médias est reconnue mondialement, et Robert W. McChesney, professeur en communications. Dans leur ouvrage intitulé, Propagande, médias et démocratie, les auteurs nous révèlent que les médias traditionnels ont pour effet de divertir la population et d’isoler chacun des autres pour en faire un troupeau dispersé. Ces éminentes personnes ne sont pas associées à l’univers du conspirationnisme; bien au contraire, ils font partie du monde universitaire, de la recherche et de la rigueur intellectuelle.
Ouvrir des débats civilisés
Si nous avions, dans les médias québécois, une culture de débat civilisée, les réactions dans les médias sociaux seraient plus pondérées. On apprendrait à écouter l’autre et même à reconnaître le bon dans son discours. Je m’identifie comme étant plus conservateur que la moyenne, mais je reconnais tout de même qu’il y a énormément de bien qui se fait par la gauche. Celle-ci bénéficie des sacrifices imposés par l’influence de la droite. C’est un jeu d’équilibre.
Depuis trop longtemps, Madame Bombardier, les médias traditionnels ont imposé le dogme de la pensée unique. Il est interdit d’avoir une pensée alternative, à un tel point que la majorité des partis politiques aptes à prendre le pouvoir impose ce dogme à leurs candidats. Cette imposition de la pensée unique commence à peser lourd dans la population et elle provoque le troupeau, fatigué d’être dispersé, à se mobiliser autour de ceux et celles qui ont le courage de se lever contre cette pensée unique obligée. Parfois, oui, ça amène des dérapages. Or, qui en est responsable? Nous savons tous que la nature a horreur du vide.
Les responsables
Les grands responsables de certains débordements, qui parfois, je l’admets, dérangent, sont les médias traditionnels qui ferment la porte à de véritables débats. Dans les années 1990-2000, on ne voulait pas donner de tribune à Mario Dumont. Aujourd’hui, on en donne très peu à Adrien Pouliot et à Alex Tyrrell.
Noam Chomsky et Robert W. McChesney, que j’ai cités plus haut, ont consacré leur ouvrage à nous faire comprendre que dans les médias traditionnels, seule l’élite a la légitimité de s’exprimer. Dieu merci, les réseaux sociaux donnent la parole à la population pour échanger des idées et des visions différentes des choses. Est-ce que ces échanges pourraient se faire mieux? Bien sûr, et c’est souhaitable. La façon d’y parvenir n’est certainement pas de museler le peuple, mais plutôt de lui donner plus d’espace pour débattre et se forger des opinions plus éclairées et solides, non pré-mastiquées pour lui.
Saisir la balle au bond
C’est pourquoi je crois que la balle est dans le camp des médias traditionnels. En laissant plus de place aux avenues alternatives qui confrontent la pensée unique, on aura une population qui se sentira écoutée, comprise et respectée.
Je suis ouvert à en discuter avec vous dans une atmosphère cordiale qui invite au dialogue parce que, pour ma part, dans un Québec démocratique, il n’y a pas de place pour la pensée unique.
À bon entendeur,
Éric Lanthier, C. C.S., B. Éd., M. Éd.