Notre identité : nous replier, nous ouvrir ou mettre en valeur notre liberté et notre patrimoine

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Source photo: Wikimedia

Cet article a été publié initialement sur les pages francophones du Prince-Arthur Herald

 

Pourquoi opposer le multiculturalisme et l’approche identitaire? Il serait pourtant préférable d’unir tous les Québécois et de les amener à être fiers de leur nation.

 

Au Québec, nous nous enfermons dans un dualisme qui brouille et réduit lamentablement notre vision de la réalité, sans cesse confrontés à faire des choix entre deux options polarisées : choisir entre le Canada ou le Québec, le français ou l’anglais, le fédéralisme ou l’indépendance, l’approche identitaire ou le multiculturalisme. Une habitude qui perdure, car par le passé, on se divisait en deux groupes, les protestants et les catholiques. Il me semble que dans ce monde si diversifié d’aujourd’hui, l’être humain devrait ouvrir son éventail d’options.

Le dualisme a tellement rétréci notre champ de vision que dès qu’on affirme qu’une chose n’est pas noire, on déduit automatiquement qu’elle est blanche. Or, si elle n’est pas noire, elle est peut être jaune… Pourquoi ne sortirions-nous pas de notre dualisme identitaire pour devenir une nation libre et fière? Advenant le cas, les identitaires auraient à coup sûr un défi à relever, mettre en valeur notre patrimoine. À défaut de quoi, les Québécois formeront bientôt une nation occidentale insipide qui ne se distingue de ses voisins que par sa langue.

Une nation pourtant unique

Parmi les quelques terres françaises qui se trouvent de ce côté-ci de l’Atlantique, le Québec est unique parce qu’il est la seule nation d’Amérique du Nord majoritairement francophone. Certes, on compte un grand nombre de francophones en Haïti, mais ceux-ci ne représentent que 40 % de la population du pays, tout de même plus que le Nouveau-Brunswick qui en comptait moins de 32 % en 2012. En ce qui concerne la Louisiane, moins de 4,7 % de la population parle français, ce qui dépasse légèrement l’Ontario qui en comptait 4,4 % en 2012. Évidemment, il y a d’autres endroits où l’on parle le français en Amérique mais, on peut affirmer sans aucune gêne que le Québec est véritablement la nation phare des francophones en Amérique du Nord.

Une société distincte

Ce qui distingue le Québec, c’est non seulement sa langue mais également son patrimoine. Au Québec, on consomme massivement du vrai sirop d’érable; on attend avec hâte le dégel de mars pour aller s’empiffrer à la cabane à sucre, on se délecte de poutines, de tourtières du Lac-Saint-Jean et de pâtés à la viande hachée ou effilochée; on apprend dès notre jeune âge à jouer au hockey, on se promène sur la neige en raquettes; on est en congé à Noël, à Pâques et à l’Action de grâces; on entend à la radio des cantiques traditionnels dans le temps des Fêtes, pendant que dans nos villes et villages, des crèches et des sapins de Noël qu’on illumine de mille et une lumières sont plantés un peu partout. Des croix sont érigées en permanence sur les montagnes, le long des routes, sur les murs des hôpitaux et à l’Assemblée nationale. Le mot « Saint » se retrouve fréquemment dans les noms de nos rues, n’en déplaise à certains. Le Québec entier est marqué par des symboles et des célébrations qui ont façonné son histoire.

Se replier

Pour protéger le caractère unique du Québec, les identitaires laïcistes proposent d’effacer les symboles et les célébrations qui sont liés à notre patrimoine. En vérité, ils nous suggèrent de nous replier sur nous-mêmes. En effet, ils sont les premiers à dénigrer les symboles et les célébrations issus de notre patrimoine. Ils ont l’impression qu’en s’implosant, les Québécois vont finir par générer un fort sentiment d’appartenance. Or, le sentiment d’appartenance se développe à partir de traits particuliers qui font la fierté d’un peuple. Notre unité nationale ne peut reposer que sur la langue et les valeurs universelles occidentales. Sur une base aussi appauvrie de notre caractère unique, le Québec ne s’imprégnerait pas d’un sentiment d’appartenance fort à l’égard de sa nation. Au mieux, il manifesterait une sympathie à l’égard de la mondialité francophone! Le repli désincarné n’est définitivement pas la solution.

L’occidentalisation du Québec

En reniant notre patrimoine, la plupart des identitaires ne réalisent pas qu’ils promeuvent l’occidentalisation. Ils désincarnent notre nation de ce qui fait sa distinction. La laïcisation complète du Québec ne favorise que la culture du vide. En fait, elle encourage la fermeture à tout ce qui s’écarte du vide et de l’occidentalisation. Les Québécois doivent donc s’ouvrir…, mais pas à n’importe quoi.

S’ouvrir

S’ouvrir est une bonne chose, c’est la base de toute civilisation. C’est parce qu’un homme va vers une femme que la civilisation se perpétue. C’est en s’intéressant à d’autres cultures qu’on apprécie diverses gastronomies. C’est en s’ouvrant aux autres qu’on chemine, qu’on découvre, qu’on se développe en tant qu’individu et en tant que peuple. Cependant, si notre ouverture à tout et à tous érode notre sentiment d’appartenance en affaiblissant nos racines, nos assises qui définissent notre identité, encore une fois, nous, les Québécois, nous nous désincarnons.

Liberté et patrimoine

Pour nous épanouir, nous avons besoin de liberté. Pour nous unir, nous avons besoin de repères communs, d’une identité. Cette identité qui nous distingue s’incarne dans notre patrimoine. Tout comme un enfant détient un nom de famille, le Québec détient des origines. Ainsi, le Québec se doit de laisser chaque communauté se développer en fonction de la culture qui lui est propre, car sans liberté, il n’y a pas de vie, pas de remise en question, pas d’ajustement, ni d’avancement ni de découverte, tout n’est que conformisme. Toutefois, en même temps, une nation a besoin de se définir en fixant son identité sur certains traits distinctifs.  Ce qui marque la ligne de démarcation entre les peuples, c’est leur patrimoine.  Le Québec a donc intérêt à valoriser son patrimoine; en même temps, les Québécois doivent accorder aux nouveaux arrivants un espace pour s’épanouir. En d’autres mots, un Québec libre doit offrir la liberté et alimenter le respect.

Valoriser sans imposer ses repères historiques

Ce n’est pas parce que Noël, Pâques et l’Action de grâces sont reconnus comme des congés que tout le monde doit se rendre dans un lieu de culte lors de ces célébrations. Ce n’est pas parce qu’il y a une croix sur une montagne que tout le monde doit faire une génuflexion devant. Non, ces symboles et ces coutumes sont des repères qui nous rappellent nos origines et ce qui a motivé Jacques Cartier et Pierre Chauvin à venir parcourir ce nouveau monde. C’est en les mettant en valeur avec respect vis-à-vis de nous-mêmes et les autres que nous traçons une ligne qui nous définit et que nous exprimons la teinte de notre culture.

Une culture de respect bidirectionnel

Une nation qui exprime du respect à l’égard de son patrimoine génère du respect envers lui de la part de tous ceux qui constituent sa population, adhérents et non-adhérents à sa culture. Mépriser le patrimoine d’un peuple, c’est ouvrir la porte à deux extrêmes : le nationalisme désincarné ou le multiculturalisme fourre-tout. Le plus grand respect est le respect bidirectionnel, qui vise à ce que chaque groupe ethnique ou religieux d’une nation ait la liberté de s’émanciper dans une approche communautarienne et qu’en même temps, toute sa population reconnaisse l’héritage patrimoniale de cette nation et le respecte, sans nécessairement y adhérer. C’est pourquoi je prône le patriotisme communautarien. L’approche communautarienne, d’un côté, recommande que chacun ait le loisir de mettre en valeur son mode de vie tandis que, de l’autre côté, le patriotisme protège l’héritage et les traditions d’un peuple, ou en d’autres mots, de la terre d’accueil.

 

Le Québec change et se questionne. Par insécurité, les identitaires cherchent à assimiler les immigrants dans une culture occidentale, identique à celle partout en Europe et en Amérique du Nord. En somme, ils imposent aux citoyens du Québec une culture totalement homogène, sans distinction, sans couleurs. Pour ma part, je crois que les Québécois doivent être libres de s’épanouir selon leur conviction, et ce, dans le respect du patrimoine national. Le patriotisme communautarien est, à mon sens, l’expression de la liberté et du respect de chacun, ce que notre nation, en fait, a besoin pour fortifier le sentiment d’appartenance de ses concitoyens. C’est par le patriotisme communautarien que le Québec développera un sentiment d’appartenance à son patrimoine unique et distinct, et un respect bidirectionnel pour la culture de chacun. C’est à ce genre de Québec que je rêve…

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