Propos haineux, liberté d’expression et laïcité

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Source image: https://lnkd.in/dT_nGV7

Cet article a été publié initialement sur la plate-forme du Prince Arthur Herald 

par Éric Lanthier

 

Les tragiques, désolants et malheureux événements du 29 janvier démontrent que l’intolérance a pris de l’ampleur au Québec et que les terroristes ne se trouvent pas uniquement chez les musulmans; ainsi, pour freiner à la fois les propos haineux et protéger la liberté d’expression, nous avons besoin d’un premier ministre juste et courageux.

 

L’attentat du 29 janvier n’est que la pointe de l’iceberg.  Certes, la propagande antimusulmane ne contribue pas à maintenir un vivre ensemble harmonieux.   J’ai toujours mentionné que ce n’est pas l’Islam que l’on doit attaquer.  Non, dans une société libre et ouverte, c’est le terrorisme et la haine que nous devons combattre.  Qu’un individu pratique l’athéisme, le bouddhisme, le judaïsme, l’islam, l’hindouisme, le christianisme ou toute autre religion, il ne doit pas être traité comme un Québécois de seconde classe.

 

Propos haineux

Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), la haine est un : «Sentiment de profonde antipathie à l’égard de quelqu’un, conduisant parfois à souhaiter l’abaissement ou la mort de celui-ci[1]. »  Or, certains laïcistes extrémistes désirent voir les groupes de foi théiste perdre leurs droits fiscaux.  Certains d’entre eux souhaitent même l’élimination de l’expression publique de la foi.  On n’a qu’à se rappeler cette lutte contre la prière à l’Hôtel de Ville de Laval et celle menée plus récemment à Saguenay.  Cette antipathie s’est également exprimée lorsque les laïcistes extrémistes ont fait couper les subventions aux écoles confessionnelles.  On souhaitait leur fermeture, voire même, leur extinction.  Il s’agit bel et bien d’une forme de haine.  En gros, la haine à l’égard des différentes confessions religieuses provient en partie de la part de militants qui font la promotion d’un extrémisme laïc radical.

 

L’extrémisme laïc radical

L’extrémisme laïc radical veut interdire toute forme d’expression de la religion à une exception près.  Effectivement, pour ces extrémistes, seule la religion de l’athéisme a sa place dans la société civile.  Les extrémistes laïcs radicaux colportent un discours haineux à l’égard des confessions théistes et visent leur abaissement et éventuellement, leur élimination.  Nous avons besoin d’un premier ministre courageux qui se lèvera contre cette haine injustifiée et déraisonnable.

 

La laïcité sans repères entretient la haine

Une laïcité pure et dure, sans ouverture, ne fait que maintenir un climat de tension entre les vrais Québécois et ceux qu’ils considèrent comme des citoyens de second ordre.   À défaut de concocter des accommodements raisonnables, les victimes d’un système laïc pur et dur continueront à subir des injustices.  Or, il est injuste que les croyants de foi athéiste aient plus de privilèges que les croyants de foi théistes.  Comme le dirait Patrick Lagacé :  «Ce qui est bon pour pitou est bon pour minou.»[2]  En d’autres mots, il est essentiel que les droits des croyants de foi athéistes ne briment pas les droits des croyants de foi théiste.  Le problème, c’est que plus l’État empêchera les groupes religieux d’avoir droit à des accommodements raisonnables, plus la tension montera.  C’est inévitable, c’est le propre de l’être humain de revendiquer ses droits.

 

Protéger la liberté d’expression

Dans une société démocratique, tout individu devrait avoir le droit d’exprimer ses opinions, ses valeurs et ses croyances dans le respect.  C’est à l’État de protéger ce droit et d’y veiller avec soin.  Il doit permettre également à tout individu de critiquer respectueusement les lois, le gouvernement, les entreprises ainsi les organisations que constituent la société civile : les groupes d’artistes, les religions, les groupes communautaires, les syndicats, voire même les médias, etc.  Cependant, tout doit se faire respectueusement et dignement.

 

 

Tirer la ligne

Maintenant, est-il possible, au Québec, de permettre une libre expression sans tomber dans la haine?  En janvier 2015, beaucoup de Québécois se disaient «Charlie» prétextant que le blasphème avait sa place dans l’espace public.  Maintenant que c’est un Québécois «pure laine» qui a commis les attentats du 29 janvier, on parle de museler les animateurs de droite de Québec parce que leurs opinions alimenteraient une certaine forme d’islamophobie.  Ces deux événements nous montrent que l’opinion publique québécoise penche du côté de la victime.

 

Par ailleurs, deux éléments sont importants à considérer pour bien analyser les enjeux qui se rattachent à la crise que le Québec est en train de vivre.  D’une part, les laïcistes radicaux et extrémistes nourrissent davantage une haine contre les différentes confessions religieuses de foi théiste que certains animateurs de Québec.  D’autre part, on mélange questionnement et remise en question.  La première tend à réfléchir et débattre des enjeux, la seconde tend à éliminer un faux problème de façon plus radicale.  Le questionnement est sain et la remise en question est radicale.  Alors, comment permettre de sains débats et même temps, sortir de la pensée unique sans nourrir la haine envers celui qui est différent?  La réponse n’est certes pas en éliminant celui qui est différent.  Non, c’est en faisant la promotion de la liberté dans la dignité qu’on parviendra à vivre dans une société distincte où la liberté aura sa juste place.  Si un animateur va trop loin et manque de respect, qu’il soit de droite, de centre ou de gauche, que le CRTC intervienne et qu’il en subisse les conséquences.

 

 

Une approche conciliante

Pour calmer cette tension qui semble irréconciliable entre la liberté, l’identité et la laïcité, l’État devra mettre de l’avant le patriotisme-communautarien.  Cette approche veut que chaque groupe puisse s’épanouir et trouver sa place dans l’espace publique : se rassembler, acquérir des possessions, célébrer sa foi, afficher ses symboles, être présents dans l’espace public et médiatique, contribuer à la qualité de vie des Québécois et pour cela, chaque communauté de foi doit continuer à recevoir des avantages fiscaux; c’est ce qu’on appelle l’approche communautarienne.  En même temps, puisque le Québec a une histoire, un patrimoine, une langue et s’identifie à un précieux héritage culturel, il est normal que les symboles et les célébrations qui soient reconnus par l’État soient ceux qui ont marqué son histoire.  Ainsi, il est tout à fait judicieux que les crucifix, les croix de chemin ainsi que les fêtes de Noël, de Pâques et de l’Action de grâce puissent demeurer dans le panorama québécois, patrimoine oblige.  Les croyants de foi juive, musulmane, indouiste, bouddhiste et de foi athéiste ne seraient pas tenus de reconnaître la valeur de ces symboles et de ces célébrations mais ils seraient tenus de respecter leur présence, pour des raisons historiques et patriotiques, civilité oblige.

 

Identité

En mettant en valeur le patriotisme-communautarien, il n’y a plus de «nous» et d’«eux», il n’y a que des Québécois qui vivent ensemble dans le respect de la diversité et dans le respect de notre patrimoine.  Avec un patriotisme-communautarien, l’identité québécoise sera bâtie sur les fondements du respect de notre histoire, de notre patrimoine et de la diversité et non sur la haine de ceux qui sont différents.

 

Premier ministre courageux

Le patriotisme-communautarien répond non seulement aux attentes des Québécois qui veulent le renforcement de leur identité mais également aux besoins des communautés culturelles qui veulent s’exprimer librement et s’épanouir sans être l’objet de propos haineux, sans sentir qu’on veut les éliminer.  Pour intégrer cette notion dans la culture québécoise, nous avons besoin d’un premier ministre courageux qui n’aura pas peur de mettre de l’avant ce concept rassembleur.  Pour l’instant, le Québec attend toujours ce politicien audacieux.   Il lui reste un peu plus d’un an et demi pour se manifester et pour démontrer qu’il tient à faire du Québec une terre de fierté.

 

[1] Repéré à http://www.cnrtl.fr/definition/haine

 

[2] Expression qu’il utilise abondamment dans les médias.

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