Éric Lanthier
Cet article a été publié initialement sur les pages de Québec nouvelles, l’alternative médiatique.
Je ne privilégie pas un retour hâtif en classe, surtout pas dans la région métropolitaine ni en périphérie de cette région névralgique. Toutefois, je crois que, lorsque viendra le temps de rouvrir les écoles, le Québec devrait d’abord s’inspirer de l’efficacité du système scolaire danois.
La semaine dernière, certaines autorités québécoises affirmaient qu’à partir du moment où l’on commence à considérer qu’il serait sécuritaire de rentrer en classe, il fallait ajouter un mois de préparation supplémentaire avant [… ce] retour en classe. Or, au Danemark, on a entamé ce processus de réouverture des écoles la semaine dernière, et celles qui n’y étaient pas prêtes pour le 15 avril ont demandé un délai de trois jours ouvrables. Devant cet exemple, force est de constater que l’appareil scolaire québécois est plus difficile à gérer que le système scolaire danois. En effet, d’autres pays sont en mesure, sur le plan organisationnel, de reprendre leurs activités scolaires en moins d’un mois. C’est le cas aussi de l’Allemagne, qui a annoncé, le 17 avril dernier, que ses écoles étaient prêtes à la reprise progressive des classes dès le 4 mai.
Notre retour à l’école
Comment allons-nous gérer le retour en classe au Québec lorsque la santé publique sera d’avis que cette entreprise est sans menace pour les élèves? De manière à respecter la distanciation sociale, les écoles doivent prévoir soit deux plages horaires, soit une rentrée limitée.
Deux plages horaires
Pour assurer la distanciation sociale obligatoire, les classes doivent être au plus remplies à 50 % de leur capacité. Cela veut dire doubler la tâche des enseignants et réduire la présence à l’école des élèves également de 50 %. Cette option exige un très grand effort de gestion et engendre des dépenses qui risquent de retarder des projets en cours, telle que la rénovation des écoles vétustes. À mon avis, l’entrée limitée s’avère être une solution plus efficace.
Une entrée limitée
Si les autorités scolaires permettaient le retour en classe pour les élèves en difficulté d’apprentissage ainsi que pour ceux qui ne font pas l’objet de surveillance parentale à domicile, on pourrait arriver à respecter la distanciation sociale des élèves. Si des places supplémentaires s’avéraient disponibles, il serait judicieux d’ajouter les élèves à risque sur le plan académique.
Et les absents?
Si les élèves doués et réguliers doivent rester à la maison, il est possible de les occuper à des projets supervisés par des aspirants enseignants. Effectivement, les étudiants en science de l’éducation, qui ne cherchent qu’à acquérir de l’expérience, pourraient être engagés pour encadrer les élèves qui restent à la maison avec un de leur parent. Que ce soit pour des projets de recherche, des montages artistiques, de l’aide à des organismes pour des levées de fonds, pour des projets entrepreneuriaux, ou environnementaux ou autres, ces « stagiaires » sont des personnes toutes désignées pour accompagner des élèves en quête de défis. Ces futurs enseignants auraient pour mission d’encadrer des élèves dans des projets auxquels ils auraient la chance de participer.
Des projets
Par exemple, un groupe d’élèves pourrait mettre sur pied une production de masques artisanaux dont les fonds pourraient être versés à une fondation d’un CHSLD. Un autre groupe pourrait élaborer le projet, Un sac à la fois. Chaque élève inspirerait un voisin à ramasser un sac de déchets dans son environnement (aux abords des pistes cyclables, dans les parcs, sur le bord des trottoirs, près des abribus, etc.). Bien d’autres projets pourraient être mis sur pied.
Sans supervision ni redevabilité, ces projets risquent de ne pas voir le jour. Avec un encadrement, plusieurs projets contribueraient même à améliorer la qualité de vie de plusieurs personnes. Ce confinement obligé peut servir à l’épanouissement d’un grand nombre d’élèves et au bien-être de bien des citoyens.
Les tenir occupés
Plusieurs parents s’arrachent les cheveux, tellement ils ne savent plus quoi faire avec leurs enfants. Beaucoup d’entre ceux-ci aimeraient voir leurs amis, socialiser, jouer, entreprendre des projets avec eux, mais la crise actuelle les prive de toutes ces activités qui faisaient partie de leur quotidien. Ils comprennent, pour la plupart, la situation, mais ils trouvent, malgré tout, leur réclusion difficile. Je suis en contact direct ou indirect avec des dizaines de familles, et le message général que je reçois, c’est la difficulté à garder les jeunes confinés.
Les répercussions économiques
Le retour à l’école aura probablement des incidences économiques positives. C’est du moins ce que des experts norvégiens ont déclaré, jeudi dernier. Si l’État québécois tarde à rouvrir les écoles au temps opportun pour des raisons organisationnelles, les conséquences de cette inaptitude risquent de lui coûter cher, et bien sûr, aux contribuables.
Raccourcir les délais inutiles
Dans ce contexte extraordinaire où nous vivons présentement, il est important de bien préparer la rentrée scolaire pour éliminer le plus d’obstacles organisationnels possible afin de ne pas la retarder. Que le seul obstacle qui puisse retarder ce retour ne soit que les dangers liés à la contamination! Pour le reste, que tous les efforts soient déployés pour faciliter cette rentrée, lorsque la santé publique le jugera opportun. Inspirons-nous de l’efficacité des Danois et de la prudence des Allemands pour permettre à nos enfants de bénéficier de l’école.
Optons d’abord pour la prudence et la santé de nos enfants, puis pour l’efficacité des démarches en vue de leur retour à l’école. Tout en gardant la santé et la prudence prioritaires, nos autorités peuvent en même temps viser stratégiquement la rentrée scolaire des enfants, le retour au travail des parents et la remontée de l’économie…